Domaine public maritime

Le rivage de la mer était pour l’administration délimité par le plus grand flot d’hiver  en Méditerranée, par référence à un texte de Justinien, et par tout ce que la mer couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes et jusqu’où le plus grand flot de mars se peut étendre sur la grève pour l’océan, selon l’Ordonnance de la Marine datant d’août 1681.

En 1998 le Conseil d’État élimine la référence à Justinien pour n’admettre que l’ordonnance de 1681 en l’adaptant : « Sera réputée bord et rivage de la mer tout ce qu’elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes et jusqu’où le plus grand flot de mars se peut étendre sur les grèves….Ces dispositions doivent être entendues comme fixant les limites du domaine public maritime qu’elle qu’en soit le rivage, au point jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ».

Cette jurisprudence a  été consacrée par l’article L 2111-4  du Code général de la propriété des personnes publiques, mais sur le terrain il n’est pas toujours aisé de déterminer l’étendue exacte du domaine public maritime sur lequel les constructions privées demeurent interdites.

Les constructeurs téméraires ou leurs ayants droit ne peuvent se prévaloir d’aucune prescription acquisitive sur le domaine public de sorte que leur situation  précaire risque d’être remise en question à tout moment quand bien même elle se serait pérennisée durant de très nombreuses années. La tolérance administrative, durable parfois, a cependant des limites…

C’est ainsi qu’une trentaine de «  cabanonniers », installés depuis plus de quarante ans dans la calanque de Ponteau à Martigues, se sont vus signifier, en 1999,  par l’administration  un procès-verbal constitutif d’une contravention de grande voirie tendant à leur condamnation à démolir les constructions et à restituer les lieux en leur état initial sous astreinte, et à l’autoriser  les démolir à leurs  frais.

Sur contestation des  intéressés, et après transport sur les lieux du tribunal administratif, les contrevenants furent relaxés. Mais sur appel de l’État, la cour administrative de Marseille réformait le jugement, et sur pourvoi en Conseil d’État, celui-ci annulait la décision en 2011 et renvoyait l’affaire devant cette même Cour qui persistait dans ses condamnations à l’égard de certains contrevenants.

Un nouveau pourvoi en Conseil d’État était formé. C’est alors que cette Haute juridiction décidait de mettre un terme à ce procès en les relaxant le 20 mai 2015, après 16 ans de procédure ! (Conseil d’État 20 mai 2015 n° 361 865, Section du contentieux, 8ème sous-section).

Sur le fond, les experts désignés avaient estimé que les plus hautes eaux, par temps  fort, se situaient à la côte 0,90, et par temps normal à 0,45 et correspondaient à la ligne du rivage issu du cadastre en 1968. Les experts avaient reproduit le plan de coupe de chaque construction sur lequel avaient été reportées les lignes correspondant au niveau des plus hautes eaux par temps  fort et par temps  normal.

Pour l’une des constructions à usage d’habitation en retrait  du rivage, sa base se situait à la côte 0,97. Bref elle n’était pas atteinte par les plus hautes eaux. La construction a donc été sauvée pour quelques centimètres…Pour l’autre, elle se situait à la côte 1,45, donc au-delà également.

La définition empirique du domaine public maritime se fonde nécessairement sur les relevés techniques des experts qui s’appuient sur les relevés des marégraphes côtiers numériques depuis 1998, et plus récemment sur des modèles à onde radar. Mais, en l’espèce, il a quand même fallu 16 années de procédure…

M° jean Debeaurain